Le manque de reconnaissance de personnes d’exception tient parfois dans l’absence d’une prise de conscience de leurs réalisations. Lorsqu’elles sont dotées d’une grande humilité et qu’elles exercent avec passion, elles-mêmes peuvent sous-estimer l’impact de leurs travaux… C’est le cas de Marion Créhange, qui est pourtant la première personne à avoir rédigé une thèse en informatique en France.
La contribution de Marion Créhange au monde informatique
Marion Créhange entre dans le monde de l’informatique en 1959, alors que l’ordinateur n’est pas encore inventé. Du moins pas sous sa forme actuelle. Elle intègre la Faculté des Sciences de Nancy à l’âge de 22 ans, recrutée en tant qu’assistante par le professeur Jean Legras, dans le but d’approfondir les « machines de calcul ».
En 1961, Marion devient la première personne de nationalité française à rédiger une thèse en informatique. Son thème : la « structure du langage de programmation ». Marion pose ainsi de véritables fondements de la discipline.
Dans les années 1980, après s’être intéressée à l’interface humain-machine, elle est à l’initiative de la création de EXPRIM, un groupe de recherche qui travaille au développement de mécanismes d’interaction destinés à aider les utilisateurs à interroger une base d’images.
L’informatique se développe et gagne de nouvelles sphères grâce à Marion : par exemple, elle aide l’historienne Lucie Fossier en appliquant l’automatisation informatique au classement des sources diplomatiques médiévales, et elle prononce un discours intitulé « Instruire par la pratique : l’apprentissage des premiers hommes à l’apprentissage des ordinateurs » lors de sa titularisation à l’Académie Stanislas en 2017.
La prise de conscience tardive des apports de Marion Créhange
Malgré toutes ces contributions majeures au monde informatique, la reconnaissance de Marion Créhange se montre tardive. Même sa page Wikipedia est supprimée par un manque perçu de différenciation. Il faut attendre une forte mobilisation sur les réseaux sociaux, lancée par Natacha Portier et Isabelle Collet, pour qu’elle soit recréée au printemps 2022. Preuve en est qu’aujourd’hui encore, les pionnières de l’informatique peuvent malheureusement être oubliées.
Cela dit, Marion, elle aussi, prend tardivement conscience de sa contribution. Nous savons, grâce à la publication de ses mémoires dans la revue Interstices, que son parcours lui est apparu comme une « randonnée » informatique. Elle s’y dit également impressionnée d’avoir participé à une évolution historique, sans s’en être complètement rendu compte.